Scotia iTRADE

Benjamin Franklin est connu pour avoir dit qu’il y a deux certitudes dans la vie : la mort et les impôts. D’où l’intérêt de se préparer à l’inévitable. Pourtant, de nombreuses personnes sont réticentes à parler de succession avec leurs proches, et certains n’ont même pas de testament. Or, aucun plan financier n’est complet sans un volet sur le transfert des biens, que ce soit à la génération suivante, à un organisme de bienfaisance ou à un autre bénéficiaire. Alors, quel est le moment idéal pour faire ces transferts : de votre vivant ou après votre décès?

Biens transférés de votre vivant

En général, si vous transférez votre REER ou votre FERR à votre époux au cours de votre vie, vous paierez des impôts sur le montant total lors du transfert. La stratégie à privilégier, c’est de conserver vos fonds dans ces comptes et de diviser les revenus avec votre époux à 65 ans.

Vous pouvez transférer votre CELI à celui de votre époux de votre vivant, mais seulement selon ses droits de cotisation applicables. Ce n’est généralement pas une bonne idée ici non plus, parce que vous voudrez tous deux profiter au maximum de vos droits de cotisation, qui donnent un solde cumulé de 63 500 $ pour un adulte domicilié au Canada, au 1er janvier 2019.

De votre vivant, vous pouvez transférer à votre époux vos biens immobilisés dans un compte non enregistré selon le prix de base rajusté (PBR) ou à la juste valeur marchande (JVM), à votre choix. Les deux options ont une incidence fiscale. Si vous faites un virement de fonds selon le PBR, fixez un prêt entre époux selon les conditions du marché, faute de quoi les revenus et les gains en capital seront réattribués à l’auteur du transfert.

Les biens transférés aux enfants – mineurs ou adultes – sont traités à la JVM, mais les gains accumulés au moment du transfert sont imposés entre les mains du destinataire. Dans le cas d’un enfant mineur, les dividendes et les revenus d’intérêts seront réattribués à l’auteur du transfert et seront imposés entre ses mains. (À noter que les dividendes distribués à des membres non actifs d’une société privée, à tout âge, sont imposés au taux maximal, sauf pour certaines exceptions.)

Transfert lors du décès

Après votre décès, une dernière déclaration de revenus doit être produite pour la période allant du 1er janvier à la date de votre décès, et cette déclaration doit être transmise au plus tard le 30 avril de l’année suivant immédiatement l’année de votre décès ou six mois après la date du décès. Plusieurs déclarations facultatives peuvent être produites après un décès, où certains montants personnels peuvent être réclamés à nouveau. Il en découle des avantages fiscaux non négligeables dans de nombreux cas.

Vous êtes réputé avoir cédé tous vos biens immédiatement avant votre décès, généralement à leur JVM. Cependant, la valeur de la disposition présumée peut varier selon l’acquéreur des biens : votre époux (ou conjoint de fait), votre enfant ou tout autre tiers non apparenté.

D’habitude, les transferts aux enfants ou à d’autres personnes sont traités selon la JVM des biens. Pour ce qui est des transferts à l’époux, ils peuvent se faire selon le PBR ou la JVM des biens, ou encore selon la fraction non amortie du coût en capital (FNACC), dans le cas d’un bien amortissable. Si la première ou la troisième option est choisie, on procède à un « transfert en franchise d’impôt », c’est-à-dire que les conséquences fiscales sont entièrement reportées jusqu’au décès de l’époux survivant.

Votre liquidateur peut également choisir de transférer une partie ou la totalité de vos biens à votre époux survivant à la JVM. C’est un choix sensé si les biens ont pris de la valeur et que les revenus de l’année du décès sont faibles.

Dans d’autres cas, il peut y avoir des pertes en capital non utilisées au moment du décès. Ces montants peuvent venir compenser les gains en capital à déclarer pour l’année du décès ou les trois années précédentes, ou encore d’autres revenus pendant l’année du décès. Selon cette stratégie, il peut être intéressant d’établir un PBR plus élevé pour l’acquisition de vos biens (la JVM réelle), ce qui fera économiser votre époux au bout du compte.

REER et autres régimes de retraite

Qu’arrive-t-il si vous laissez des montants dans votre REER ou votre FERR? Vous êtes alors réputé avoir reçu la JVM de tous ces fonds immédiatement avant votre décès.

Si vous avez un époux survivant, les biens peuvent être transférés à son régime enregistré (REER ou FERR) en franchise d’impôt. Dans certaines situations, le REER peut être transféré à un enfant ou à un petit-enfant à charge, même si vous avez un époux survivant. Renseignez-vous sur cette option auprès de votre conseiller fiscal.

En l’absence d’époux survivant, les biens des REER sont transférés à la succession (à moins qu’un bénéficiaire ait été désigné). Toute dépréciation de ces biens pendant qu’ils sont en la possession de la succession peut être déduite des revenus à inclure dans la déclaration finale du défunt.

Sachez que les règles d’imposition des successions ont changé dernièrement : les taux d’imposition progressifs sont dorénavant réservés aux fiducies admissibles pour personne handicapée et aux successions assujetties à l’imposition à taux progressifs; dans le second cas, le taux d’imposition maximal s’applique aux revenus des biens non répartis après 36 mois.

Régimes d’épargne libres d’impôt

Les revenus de votre CELI sont libres d’impôt de votre vivant, mais pas après votre décès. Vous pouvez toutefois les transférer dans le CELI de votre conjoint de fait ou époux survivant.

Polices d’assurance-vie

Pour protéger votre patrimoine, vous pouvez faire l’acquisition d’une police d’assurance-vie, surtout si la disposition présumée des biens immobilisés entraîne une dette fiscale assez importante. Quand une personne souscrit une police d’assurance, la prime n’est pas déductible, mais les prestations ou les produits subséquents versés aux bénéficiaires sont libres d’impôt. Le produit d’une police d’assurance-vie peut aider à payer les impôts découlant de la disposition présumée des biens imposables lors du décès.

Manœuvres financières rusées

Même les plans les mieux ficelés peuvent donner lieu à une importante dette fiscale par suite de la disposition présumée des biens immobilisés lors du décès d’un contribuable. Il est toutefois possible de reporter le paiement des impôts au moment de la vente de ces biens. Donnez une garantie au gouvernement et produisez le formulaire T2075 Choix de différer le paiement de l’impôt sur le revenu en vertu du paragraphe 159(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, par les représentants ou le syndic d’un contribuable décédé. L’ARC facturera des intérêts sur l’impôt en souffrance, mais cette option peut vous donner les liquidités dont vous avez grandement besoin pour vendre des biens immobilisés de valeur élevée, mais peu liquides, et ainsi payer les impôts associés à la dernière déclaration de revenus.

Par ailleurs, n’oubliez pas de fournir à votre liquidateur une copie de votre déclaration de revenus de 1994 et du formulaire T664 Choix de déclarer un gain en capital sur un bien possédé en fin de journée le 22 février 1994. La visée de cette mesure était d’augmenter le coût de base de certains biens jusqu’à l’ancienne exonération disponible de 100 000 $ pour les gains en capital avant son échéance à cette date. À défaut d’avoir ces documents en mains, le liquidateur devra surdéclarer les gains en capital tirés des biens figurant sur la dernière déclaration.

Enfin, pensez à remplir le formulaire TX19 Demande d’un certificat de décharge avant que les produits de la succession soient distribués. Ainsi, le liquidateur se verra exonéré de toute responsabilité future envers l’ARC.